Le concept Shu Ha Ri est un concept issu des arts martiaux japonais et qui décrit les 3 étapes habituelles de l’apprentissage.
Shu signifie obéir, Ha se détacher et Ri se séparer.
Pour bien comprendre ce concept, les mieux placés pour en parler étant ceux qui l’ont vécu, voici le retour d’expériences de Mathieu et Yoann. Mathiue, développeur au sein d’une équipe agile, avait la volonté de devenir Scrum Master et Yoann, scrum de cette même équipe, avait, lui, la possibilité de passer Scrum de Scrum et devait accompagner son remplaçant.
Ils ont expérimenté Shu Ha Ri dans le cadre de leur mission et nous en font un retour.
A l’instar de Maître Miyagi dans le film Karaté Kid, Yoann est devenu le Sensei de Mathieu. Il ne lui demande pas de repeindre ses palissades ou de laver ses voitures (ni même d’attraper des mouches avec des baguettes) au lieu de lui enseigner l’art du combat. En revanche, il lui explique les règles et l’accompagne pas à pas dans le rôle de Scrum Master.
Shu : le disciple apprend les fondamentaux en suivant les règles édictées par le maître
Pour cette phase d’apprentissage, Mathieu et Yoann s’organisent et mettent en place un plan de montée en compétences :
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Pour chaque sujet, Yoann explique et donne les règles et pratiques à Mathieu
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Yoann anime, Mathieu assiste aux rituels, à la fin de chaque rituel, ils organisent un debrief pour bien expliquer les tenants et les aboutissants
Ce qu’en dit Mathieu : “C’était rassurant dans le sens ou ça me permettait d’acquérir les bases et de me nourrir de l’expertise de Yoann, sans me mettre en difficulté. Ça m’a donné envie d’approfondir les notions par moi-même et Yoann m’a conseillé et orienté dans mes lectures”
Ce qu’en dit Yoann: “Je ne pouvais pas le mettre dans le grand bain tout de suite, le mettre en difficulté aurait été une erreur d’apprentissage. Tant que les bases ne sont pas maitrisées, ca aurait été contre-productif de challenger Mathieu sur des concepts non acquis”
Ha : ayant maîtrisé les fondamentaux, le disciple applique les règles en les questionnant, en comprenant leurs subtilités et en cherchant les exceptions
Pour cette nouvelle étape, Mathieu a vu sa mission évoluer et de nouvelles responsabilités lui ont été attribuées : il s’agissait d’appliquer ce qu’il avait appris précédemment.
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La co-préparation des rituels
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Le passage du flambeau sur l’animation des rituels avec Yoann en support
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La prise de rôle officielle de Scrum Master avec la présence du sensei
Ce qu’en dit Mathieu : “ C’était moins confortable. C’était un vrai challenge sur ma compréhension des concepts pour vérifier que je ne les appliquais pas bêtement.”
Ce qu’en dit Yoann : “J’ai vu qu’il avait acquis toutes les bases. Il fallait maintenant qu’il évolue alors je le poussais dans ses retranchements, je lui posais des pièges pour m’assurer qu’il maitrisait et qu’il ne faisait pas que recopier ce que je lui avais enseigné. Ça restait fait avec bienveillance et l’objectif c’était toujours de l’accompagner pour le faire grandir”
Ri : le disciple ayant maîtrisé les règles, peut les transcender et les adapter
A cette étape, le sensei n’est plus présent. Désormais c’est Mathieu gère l’équipe comme il l’entend et adapte les rituels au contexte qui évolue. La relation maitre-élève devient une relation de pairs.
Ce qu’en dit Mathieu : “ C’est la phase de maitrise. ll n’y a plus de rapport maitre élève, aujourd’hui on se challenge mutuellement.”
Ce qu’en dit le Sensei Yoann : “Mathieu est devenu un Scrum Master confirmé. Aujourd’hui je le consulte sur mes ateliers pour qu’il me donne son avis “
Lors de cette session de veille, plusieurs questions ont été posées et les débats ont été nombreux. Leur opinion sur ces questions nous a semblé intéressantes et nous les avons soumis à une petite interview :
La place du mentor est-elle essentielle dans le concept ?
Mathieu, aurais-tu appris la même chose en auto-apprentissage ?
Mathieu : “Ça dépend. Dans mon expérience, l’accompagnement de Yoann m’a permis progresser plus rapidement, plus sereinement, et en sachant que je partais dans la bonne la direction. Ce n’est à mon sens pas obligatoire dans les étapes d’apprentissage jusqu’a la maitrise, mais du coup je ne sais pas si cela reste du concept de Shu Ha Ri”
Yoann : “Sans mentor tu risques de partir dans une mauvaise direction et déformer tous les concepts que tu as appris”
Mathieu, est-ce que si Yoann n’avait pas été expert sur le sujet l’apprentissage aurait été aussi positif ?
Mathieu : “La démarche aurait perdu tout son sens si je n’avais pas été accompagné par un expert, est-ce qu’une ceinture blanche de judo donnerait des cours même à des débutants ?”
Yoann : “Comment peut-on apprendre des choses a quelqu’un si soit même on ne les maitrise pas?”
Quels sont les pièges à éviter ?
Mathieu “ Il y’a des maitres qui ne m’auraient probablement pas donné toutes les clés de peur que l’élève dépasse le maitre. Il faut faire attention à ne pas rentrer des problèmes d’égo… Attention aussi au maitre qui ne lâcherait pas la bride et ne permettrait pas de dépasser l’étape du Shu”
Comment savoir si les règles du Shu ont bien été comprise ?
Yoann : “ la transition est progressive, on ne passe pas du Shu au Ha d’un jour a l’autre, c’est une évolution. Les mises en situation ont été progressives… Une bonne pratique pourrait etre de mettre en place un plan de montée en compétence propre à chacun. Chaque disciple est différent et a besoin d’un accompagnement qui lui est spécifique”
Y’a t’il des contextes ou le concept ne pourrait pas s’appliquer ?
Mathieu : “Quand on est le premier dans le domaine, dans un contexte précurseur.. Quand on crée son entreprise ou son Framework il n’y a pas de cadre ou de règles pré-définies … C’est une autre forme d’apprentissage. Je pense que quand on enlève des enfants il n’y a pas qu’une bonne méthode et que ça ne s’applique pas”
Le shu-ha-ri est un concept qui peut s’appliquer dans beaucoup de contextes (la cuisine, l’agilité, un nouveau job…) Nous sommes très nombreux à l’utiliser sans même nous en rendre compte.
Une fois que la prise de conscience a eu lieu, il est possible de formaliser et de structurer l’apprentissage pour améliorer l’accompagnement. La pédagogie du Sensei reste un point essentiel.
Attention à ne pas passer directement au Ri, on ne peut pas se décréter expert uniquement parce qu’on a passé une certification ou lu des articles à un sujet pendant une matinée…